A mon avis, il n’y a pas d’âge minimum. La seule limite, c’est le matériel. Un problème de mâchoire peut être détectable dès la naissance, et si je pouvais intervenir sur des bébés, si j’avais les appareils adaptés,
je le ferais. Certains confrères me prennent parfois pour un fou de vouloir traiter des enfants avant la pousse des dents définitives.
Je me souviens que lors de l’un de nos premiers cours d’orthodontie, un professeur nous avait dit : « Vous ne soignerez pas des maladies.
Les gens que vous verrez ne sont pas malades », et dans le cas de l’orthodontie esthétique, c’est vrai. Mais concernant l’orthopédie dentofaciale des enfants, je ne suis pas d’accord. J’estime qu’un enfant qui respire mal, c’est grave. Alors certes, ce n’est pas une maladie. Si l’enfant éprouve une gêne respiratoire aigüe, c’est le pédiatre qui va s’en charger. Mais quel professionnel de santé va estimer son potentiel de croissance ?Peut-être un ostéopathe. Les ostéos font partie de ces soignants qui ont un regard global sur leurs
patients, et qui savent à quel point il est important de libérer les contraintes pour permettre la croissance.
Parmi les orthodontistes, l’idée qu’on ne peut pas intervenir sur des jeunes enfants est tellement ancrée que l’on vit parfois des situations ubuesques… Quand je me suis installé dans le sud de la France, je n’avais pas d’appareil de radiologie. J’envoie un jour patient de cinq ans à un radiologue, dont la secrétaire appelle mon assistante :
- J’ai ici un patient à vous âgé de cinq ans. Je pense que vous vous êtes trompée, parce que l’orthodontie ça commence à dix ans !
Bien sûr : la secrétaire du radiologue savait mieux que moi ce qui pouvait se faire ou non… C’était comme ça, j’ai souvent eu du mal à travailler avec certains confrères. Et pourtant, lorsqu’on y pense, traiter les jeunes enfants tombe sous le sens ! Dans quelle autre branche de la médecine va-t-on laisser un patient chez lequel on dépiste un problème attendre durant des années sans être soigné ? Plutôt qu’adapter un appareil à un enfant, on préférait adapter l’enfant à l’appareil. Donc si le professionnel avait choisi de mettre des bagues, comme nous tous à l’époque, il devait attendre l’apparition des molaires, vers sept ans. Il n’y avait rien d’autre à faire.
Mais cette époque-là, je le dis, est finie.